Registre des bénéficiaires effectifs des sociétés : transparence financière et respect de la vie privée, la justice européenne a tranché

Elle estime en effet que cette divulgation contrevient aux droits fondamentaux au respect de la vie privée et familiale ainsi qu’à la protection des données à caractère personnel, respectivement protégés par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Depuis 2020, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, une directive européenne a rendu obligatoire l’accès de certaines informations afférentes aux bénéficiaires effectifs des sociétés (nom, prénoms, mois et année de naissance, nationalité et pourcentage de détention des titres et droits de vote) à tout membre du grand public.

La divulgation de ces informations au grand public constitue selon la CJUE une ingérence grave dans les droits fondamentaux, qui plus est injustifiée car cette mesure n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi. Selon la CJUE, les dispositions de la Directive qui permettent aux États membres, de conditionner la mise à disposition des informations sur les bénéficiaires effectifs à une inscription en ligne et de prévoir, dans des circonstances exceptionnelles, des dérogations à l’accès du grand public à ces informations, ne sont, pas par elles-mêmes, de nature à démontrer ni une pondération équilibrée entre l’objectif d’intérêt général poursuivi et les droits fondamentaux, ni l’existence de garanties suffisantes permettant aux personnes concernées de protéger efficacement leurs données à caractère personnel contre les risques d’abus.

Dans les heures qui ont suivi la communication de cet arrêt, le Luxembourg a suspendu l’accès du public à son registre des bénéficiaires effectifs. Il sera par conséquent intéressant d’observer quelle réponse apportera la législation française pour se conformer à la décision. Le 19 janvier 2023, le ministre de l’économie français a décidé le maintien de l’accès au grand public au registre des bénéficiaires effectifs dans l’attente de tirer toutes les conséquences de l’arrêt.

CJUE, 22 nov.2022, C-37/20 et C-601/20

Mathilde Laruelle Juriste